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Mademoiselle Bon Plan fait son cinéma de février

par JulieBrando
Publié : Mis à jour :

C’est le mois des récompenses ! Le mois où on se tourne vers les tapis rouges pour admirer ses idoles, et préparer la liste des prochains incontournables à ne pas louper. Mademoiselle Bon plan, c’est aussi pour les cinéphiles !

Côté US, 3 Billboards est bien parti pour décrocher la statuette dorée, chez nous, 120 battements par minute, appuiera vraisemblablement sa posture de chouchou de la profession. Mais on espère peut être voir couronner Albert Dupontel pour son enchanteur Au revoir–là haut ! A vos pronostics !

Caméras Fondation Jérôme Seydoux-Pathé

En attendant, nous nous sommes rendus dans les salles obscures pour voir des héros, et plus précisément des antihéros, des marginaux, des loosers sympathiques, des monstres isolés et des êtres rejetés par le commun des mortels. C’est notre sélection spéciale Héros pas comme les autres !

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Numéro 1 : L’homme poisson et la belle

La Forme de l’eau de Guillermo Del Toro

Elisa est muette. Son monde est simple, fait des petites choses du quotidien. Elle répète les mêmes gestes, s’émerveille devant des comédies musicales, avec son non moins solitaire voisin. Modeste femme de ménage dans un laboratoire gouvernemental aux projets top secrets, sa vie va soudainement basculer, avec l’arrivée d’une créature marine…

Il est fabuleux ce Del Toro. Etonnant. Un enfant dans le corps d’un grand bonhomme aux allures de Geek. Un passionné, cinéphage à la Tarantino, qui dévore la fiction jusqu’à bâtir lui même un univers à part.

D’entrée de jeu, The Shape of Water émerveille par la beauté de son introduction, très Burtonienne. Une femme est endormie, elle a l’air heureuse immergée sous des eaux calmes et rassurantes. Une voix raconte son histoire…

Il était une fois, deux êtres marginaux que le destin a réuni. Un conte moderne bourré d’empathie qui joue sur l’opposition de deux mondes : les êtres seuls et les êtres qui les chassent et les ignorent. Muette depuis son plus jeune âge, Elisa mène une existence simple.

Héroïne fragile, dans la plus pure tradition du cinéma de Del Toro, elle est promise à un destin d’exception, propulsée au cœur d’évènements exceptionnels qui vont bouleverser la tranquillité de sa routine.

Sally Hawkins est fabuleuse de sincérité et de sensibilité. Elisa est un petit moineau que l’on voudrait serrer entre ses mains, de peur qu’elle ne se brise (Elisa, en référence au personnage campé par Audrey Hepburn dans My Fair Lady ?). 

L’actrice britannique, offre à son personnage sa grâce et sa fantaisie. Par bien des aspects, Elisa a des côtés de Charlot, ce vagabond en lutte contre une société qui le rejette et qui cherche le bonheur auprès d’autres laissés-pour-compte. Del Toro en fait un être qui ne peut communiquer que par les gestes ou la musique. Un personnage de cinéma muet qui trouvera un sens à son existence auprès d’une créature marine, sauvage, en tout cas, au premier abord.

Le génie de del Toro, c’est de faire de ses « monstres», des créatures aux beautés enchanteresses, mystérieuses, effrayantes, attirantes et en même temps familières. Tim Burton, a fait également de la «  créature », sa muse et une sorte d alter égo. Un être beaucoup plus « humain » que bien des hommes.

Alors que Burton s’est éloigné au fil des années de sa figure de chef des opprimés, del Toro lui, en devient le digne représentant et nous émeut plus que jamais. Son cinéma tout droit sorti des grands classiques de la série, de la BD, ou autre objet culte de la pop culture, trouve ici son paroxysme dans l’émotion. On n’avait pas pris une telle claque depuis, le poignant Labyrinthe de Pan. 

Esthétiquement, le film nous plonge dans une palette de couleurs qui rappelle les films de Jean-Pierre Jeunet (au regard de la dernière polémique, qui ferait de del Toro un mauvais élève qui aurait copié sur son camarade de classe).

Certes, la fantaisie, s’exprime ici dans cette lumière sépia, où l’on côtoie une sorte d’univers parallèle, fait d’or, de noirceur, de ton verdâtre et de bleu. C’est un décor de carte postale un peu vieilli, que l’on aurait retrouvé dans le tiroir d’une vieille tante. Une ritournelle usée par le temps, mais qui prend de la valeur dans des considérations plus actuelles. Et même si l’analogie peut sembler évidente, le cinéma de del Toro a d’unique sa capacité, par la narration et l’intention, de faire oublier la référence.

Ici, tout fonctionne comme une parfaite partition : l’homme ambitieux, impitoyable et carriériste (fabuleux Michael Shannon) face aux êtres fragiles qui vont l’ »enquiquiner » jusqu’au bout. L’harmonie des sens, l’art de communiquer par le regard, le toucher, l’empathie. Les couleurs, la musique, les matières, ces formes que prend l’eau au contact de l’air pour suggérer les multiples possibilités des relations humaines. C’est beau, subtil, sincère.

Un oiseau et un poisson peuvent s’aimer, mais où pourraient-ils vivre ? C’est une véritable histoire d’amour avec un grand A, comme on aimerait en admirer plus dans les salles obscures. C’est du cinéma, du vrai, celui qui nous emmène ailleurs, qui fait apparaitre en grosses lettres sur une devanture lumineuse, le nom du film. On ressent chez del Toro, une certaine nostalgie.

Un hasard si l’héroïne vit au-dessus d’un vieux cinéma en pleine crise ? Un hasard, si l’eau s’infiltre dans une salle presque vide, où est diffusé un vieux film biblique ? Certainement pas. Guillermo del Toro, pointe du doigt, l’urgence de redonner du souffle, une âme au septième art. Une industrie qui prend l’eau, parce qu’elle ne sait plus vraiment comment toucher son public. Et pourtant, avec La forme de l’eau, del Toro ressuscite un genre, et des sensations.

Beau comme sa créature qui étincelle, le film parvient à ramener à la vie une manière de faire du cinéma. On aimerait que del Toro reparte avec la statuette du meilleur film, car le cinéma fantastique n’a pas eu cette reconnaissance depuis Le retour du roi de Peter Jackson. On croise les doigts…

La Forme de l’eau

De Guillermo del Toro

Avec Sally Hawkins, Michael Shannon, Richard Jenkins

2h03 min

Sortie le 21 février 2018

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2- Des acteurs ratés ou l’art de faire des mauvais films

The Disaster Artist de James Franco

Les plus grands loosers font les plus grands films ? C’est ce qu’on pourrait penser de The Disaster Artist, réalisé par le couteau suisse James Franco. Décidément, l’acteur, plasticien, écrivain et aujourd’hui réalisateur, peut tout faire.

L’acteur qui est loin d’en être à sa première réalisation (et oui) se lance dans une aventure familiale, puisqu’il a choisi pour partenaire de jeu son petit frère, l’acteur Dave Franco. Mais c’est qui ce Disaster Artist ?

Il s’appelle Tommy Wiseau. Pas un personnage de fiction. Mais un acteur/réalisateur/producteur, illuminé bien réel, ayant réalisé ce que l’on considère aujourd’hui, comme l’un des pires films jamais réalisés : The Room, sortie en 2003, dans l’indifférence générale. Réalisé avec un budget de 6 millions de dollars (on n’ a jamais su d’où venait cet argent) le film en a rapporté 1800 !

En somme, un flop catégorie A, mais devenu une œuvre culte diffusée dans des salles pleines de spectateurs hilares devant tant d’absurdités ingénieuses. Une contradiction dans les termes, mais les plus grandes légendes du cinéma ne sont pas forcément celles que l’on croit.

James Franco, s’est ici penché avec empathie sur le parcours peu commun de Tommy Wiseau. Basé sur le récit de l’acteur Greg Sestero, son binôme à la ville comme à l’écran, le réalisateur livre une histoire fascinante, sans jugements, mais avec bienveillance, en respectant, sans tomber dans l’absurde, la figure mystérieuse d’un artiste incompris. C’est l’histoire d’un désastre, d’un tournage cauchemardesque, de la fiction dans la fiction, tant le sujet semble presque surréaliste.

James Franco décortique les coulisses d’un échec. Celui d’un homme qui croyait dur comme fer à son talent, piégé dans l’illusion hollywoodienne, qui piétine et dévore de doux rêveurs venus tenter l’aventure. Il campe également le rôle de ce marginal libre de toutes contraintes qui fonce tête baissée, sans écouter la moindre critique, dans ses délires narcissiques.

Avec son look et sa démarche improbables, Wiseau ressemble plus à un membre du groupe Kiss, qu’à un acteur shakespearien. James Franco, formidable dans la peau de cet Ed Wood moderne, incarne avec précision et loyauté, cette démesure teintée de fragilité, qui amuse autant qu’elle émeut. On rit beaucoup, comme le véritable public de The Room, mais on s’apitoie aussi devant le spectacle d’un acteur qui croyait réaliser un chef d’œuvre personnel.

Avec comme référence Alfred Hitchcock ou encore James Dean, Wiseau/Franco s’avance dans la mêlée croyant égaler ses idoles. Et c’est cela que raconte le film. La naïveté de croire que tout est possible, jusqu’à l’aveuglement. Le pouvoir parfois destructeur de l’ego. C’est également une histoire d’amitié, presque fraternelle. Et ce n’est pas pour rien si James Franco a confié le rôle de Greg Sestero à son petit frère, l’attachant Dave Franco. Il faut presque être de la même famille pour supporter et soutenir tant de frasques et d’ambitions mal dosées.

C’est l’histoire de deux rêveurs, qui à défaut de plaire aux autres, se soutiennent et poussent l’autre à y croire, jusqu’au bout. Le regard, d’abord complice devient dur, plein de haine, pour finir en respect et gratitude.

James Franco s’intéresse à la fragilité de l’artiste en pleine création. Sa réalisation, tout en modestie, va chercher les failles, tout en prenant conscience des siennes. Réaliser c’est donner un peu de soi. James Franco trahit une forme d’admiration pour  cet être parfois détestable, et tend un miroir au public : qui sommes nous pour juger ce qui est mauvais ou non ? Ferions-nous mieux ?

Au final, tant d’acharnement, aussi naïf soit-il, ne mérite t-il pas d’être salué ? L’œuvre devenue culte, trouve sa reconnaissance ultime dans ce film sincère et très réussi. Reparti avec le Golden Globe du meilleur acteur, James Franco pourrait réaliser le rêve de Wiseau, en montant sur la scène du Kodak Theater le 4 mars prochain, pour recevoir l’Oscar.

On adore et on jubile également en retrouvant dans de savoureuses petites apparitions, Mélanie Griffith, Sharon Stone, Zac Efron ou encore Bryan Cranston dans son propre rôle.

A noter, que Le Grand Rex organise les 15 et 16 février prochains, deux soirées exceptionnelles avec la projection de The Room en présence de Tommy Wiseau et Greg Sestero. Une bonne séance de rattrapage avant de savourer The Disaster Artist, en salle le 7 mars prochain !

The Disaster Artist

De James Franco

Avec James Franco, Dave Franco, Seth Rogen, Zac Efron, Alison Brie.

1h44 min

Sortie en salles le 7 mars 2018

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3-L’Imposteur Héroïque

Le Retour du héros de Laurent Tirard

Pourquoi ne pas opter pour une comédie romantique française,  drôle et enjouée pour La Saint Valentin? Évitez de vous ruer en couple vers l’insipide et ridicule 50 nuances plus claires et offrez à votre moitié une soirée avec Jean Dujardin et Mélanie Laurent.

Elisabeth (Mélanie Laurent) est intelligente et discrète. Elle cultive son célibat avec assurance , et observe les excentricités romantiques de sa petite soeur (Noémie Merlant) fiancée au ténébreux Capitaine Neuville (Jean Dujardin). Beau-parleur et manipulateur, le Capitaine promet monts et merveilles à la belle ingénue, avant  de partir pour la guerre, et finalement, disparaître dans la nature.

Totalement désespérée,  Pauline tombe malade et ne trouve plus la force de s’accrocher à la vie. Bien décidée à ne pas laisser sa soeur mourir de chagrin,  Elisabeth se lance dans l’écriture d’une série de lettres , en se faisant passer pour le Capitaine Neuville. Elle lui invente une vie digne des plus grands héros et une mort illustre… Quand le Capitaine Neuville , réapparaît des années plus tard, Elisabeth se trouve dans une position délicate…

Laurent Tirard (Un homme à la hauteur,  Le Petit Nicolas, Astérix et Obélix: Au service de sa Majesté), s’amuse à mettre en scène une véritable guerre des sexes sous l’ère Napoléonienne. La guerre fait rage à l’extérieur mais également dans les coeurs et les couloirs de la demeure familiale des Beaugrand.

Le Retour du Héros, c’est l’histoire d’une gigantesque imposture qui tourne mal, mais pour notre plus grand plaisir. Le film ne révolutionnera pas le genre, mais on se laisse séduire par les joutes verbales et les coups bas du duo Dujardin/Laurent. Le casting, bien qu’évident pour Jean Dujardin, habitué aux personnages de loosers au grand coeur, l’était moins sur le papier pour Mélanie Laurent.

Et pourtant, la comédie lui sied bien au teint et la rend même plutôt sympathique. Plongé dans une théâtralité à la George Feydeau, le public se laisse surprendre par le rythme évolutif des événements qui atteignent des sommets d’hilarité.

On aurait pu craindre un humour lourd, potache et cliché et pourtant la mécanique fonctionne à merveille, et flirte à plusieurs reprises avec une certaine émotion. Jean Dujardin s’amuse et nous ravit de ses récits ridiculement emphatiques et improbables, auxquels assiste un auditoire risible de naïveté.

Mélanie Laurent, en metteur en scène de l’ombre, doit assumer les élans romanesques de sa plume qui l’ont conduite à assister avec désespoir aux bouffonneries de ce héros du dimanche, cupide et lâche. C’est délicieux, et rafraîchissant comme un Tea Time un jour de beau temps dans un jardin anglais.

Car on ne peut s’empêcher de faire l’analogie avec l’univers de la romancière Jane Austen. La peinture des moeurs, les intrigues, le caractère des personnages, font penser à bien des aspects aux aventures de Elisabeth Bennet dans Orgueils et Préjugés, dont l’héroïne campée par Mélanie Laurent est un hommage certain. Indépendante, cultivée, bien résolue à ne pas se faire passer la bague au doigt par n’importe qui, la Elisabeth de Laurent Tirard, est une femme moderne, battante et sûre d’elle.

C’est un film en jupons et dentelles féministe, qui montre des femmes entreprenantes qui n’ont pas froid aux yeux, et qui assument leurs convictions, leurs objectifs et même leur libido. On se laisse porter par tant de charme jusqu’au dénouement quelque peu convenu, mais loin d’être ridicule… A déguster après un petit repas à deux!

Le Retour du Héros

De Laurent Tirard

Avec Jean Dujardin, Mélanie Laurent, Noémie Merlant

1h30 min

Sortie en salles le 14 février

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3 commentaires

Lili 16 février 2018 - 10 h 58 min

Ah ah, mes parents sont allés voir « Le retour du héros » et mon père ne connaît pas vraiment les notions de suspens et de spoilers. Je connais déjà la fin !

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Melle Bon Plan 16 février 2018 - 17 h 47 min

@Lili c’est moins drôle du coup… :p

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Tina 8 mars 2018 - 17 h 16 min

J’ai regardé Le Retour du héros. Le film est sympa, les gags sont drôles, le scénario est original et les acteurs sont au top. Les deux autres ne me plaisent pas.

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